Glorantha : la Campagne des Taureaux Bleus, ou l’art de commencer petit – 11

Lorsqu’un jeu de rôles propose un univers riche et fouillé, au delà d’un simple décor, une objection récurrente, c’est qu’y jouer demande beaucoup (trop) d’investissement. C’est particulièrement le cas pour Runequest avec le monde de Glorantha, né il y a plus de 40 ans de l’imagination de son auteur, Greg Stafford, et développé continuellement depuis. De là à se dire que pour se lancer, il faut avoir au moins un doctorat en gloranthologie, il n’y a qu’un pas. Au fil de cette série, j’ai l’ambition de montrer comment une meneuse de jeu peut se lancer dans une campagne gloranthienne en débutant à une échelle très modeste et en étoffant l’univers à mesure que son aisance s’accroît.

Les amis de mes amis… sont parfois des imposteurs

Nos héros ayant mis au jour les machinations des espions ennemis et Manas ayant satisfait à ses obligations religieuses, ils peuvent reprendre le chemin de Vivepierre, en compagnie d’Ivarna qui a accepté d’aller se mettre au vert auprès de sa tante tout en testant son éventuel futur mari. Presque arrivés à destination, une silhouette jaillit du bois bordant la route pour les arrêter. Il s’agit de Varog, presque méconnaissable tant sa mise est sale et désordonnée. Il leur dit de ne pas aller au village et les invite à le suivre dans les bois où il se cache dans un campement de fortune. Soulagé de recevoir enfin des renforts, l’humakti leur raconte que quelques temps plus tôt, un homme du nom d’Hélias Ontorestor, s’est présenté à Vivepierre et a demandé l’hospitalité pour lui-même et son escorte de mercenaires. L’homme, lunar certes, mais fort bien élevé, s’est présenté comme un érudit désireux de découvrir le nord de Sartar et sa population et Méric l’a accueilli comme un invité dans sa maison. Dans les heures qui ont suivi, Méric le présentait à tous comme son ami personnel, ce qui a instantanément inspiré la méfiance de Varog. L’homme a ensuite entrepris de dessiner le portrait de toute la population de Vivepierre. Il procédait toujours de la même manière, dessinant tout en bavardant aimablement avec ses sujets. Tout le monde s’est prêté à l’exercice, sauf Varog, qui a fini par venir exiger des explications de la part de Méric. C’est Hélias lui-même qui l’a reçu, se comportant comme le maître de maison et qui, devant la réticence de l’humakti, a alors exhorté les villageois à l’éliminer tout en se cachant derrière son garde du corps. Ayant réussi à fuir dans les bois, Varog est allé chercher de l’aide à Chateau-Ciel, mais les émissaires envoyés par Guernoc sont revenus en expliquant que tout allait bien, si ce n’est que Méric, souffrant, gardait le lit. Varog a alors décidé d’intercepter son neveu et ses amis à leur retour de Boldhome pour chercher avec eux une solution. De leurs observations, ils déduisent que les dessins sont probablement la clé du contrôle d’Hélias sur leurs concitoyens et qu’un grand choc (physique ou psychologique) peut rompre le charme. Rejoints par Érina, qui avait promis de revenir passer quelques jours à Vivepierre après avoir réglé quelques affaires (mais dont ils ignorent la motivation réelle), les héros échafaudent un plan de bataille pour reprendre leur village. Une première reconnaissance nocturne leur permet de découvrir que Varog n’était pas le seul  à se méfier d’Hélias : Eristol, qui avait préféré rester caché, se tient prêt à défendre les siens la fourche à la main.

La nuit suivante, Varog et Manas concentrent sur eux toute l’attention en exigeant bruyamment des comptes sur la place centrale du village, tandis que Gillos, Korlac et Érina interceptent les mercenaires à la sortie des maisons où ils logent. Les combats sont brefs et violents, mais tournent à l’avantage des héros, également grâce à l’aide d’Eristol sorti de sa cachette. Profitant de la diversion, Énatar s’introduit dans la maison de Méric afin de trouver et détruire les dessins. Il parvient à capturer Hélias après avoir neutralisé, non sans mal, son garde du corps et découvre Iggerne et Méric séquestrés dans leur propre demeure : la prêtresse ayant un fort caractère, la magie d’Hélias n’a pas eu sur elle la prise escomptée et sa résistance a largement réduit la docilité de son mari. Dans les effets personnels d’Hélias, il découvre, outre les portraits qu’il s’empresse de brûler, libérant instantanément les villageois, un porte-fusain d’une facture particulièrement remarquable et visiblement très ancien. C’est de cet objet que l’encombrant invité tire son pouvoir mesmérique. Hélias avouera avoir, après plusieurs années d’étude de l’artéfact acheté à un pilleur de tombes, voulu tester ses hypothèses en transformant une bande de barbares orlanthis en gentils sauvages dociles. Après quelques discussions, l’homme et sa relique seront remis aux érudits du temple de Lhankor Mhy de Jonstown qui, s’ils ne sont guère moins dangereux qu’un initié d’Irippi Ontor, ont le mérite d’être des alliés.

La précédente aventure consistant principalement en une enquête en finesse avec beaucoup de roleplay et des développements psychologiques, mon jeune joueur avait assez vite décroché et je lui devais une « grosse bagarre. » Ce scénario fut donc beaucoup plus orienté vers l’action et tout à fait distrayant à jouer, avec quelques grands moments de roleplay. Le concept de cette aventure reposait sur le principe éprouvé du MacGuffin, spécifiquement adapté à RuneQuest en tant que MacGuffin lié aux Érudits de l’Ambigu. L’objet exploitait l’un des aspects les plus difficiles à cerner, et par conséquent bigrement intéressant, de la magie gloranthienne, la sorcellerie, qui repose sur le pouvoir des runes. Le porte-fusain magique utilisait une combinaison des runes de l’Harmonie et de l’Illusion pour créer un lien d’amitié entre l’utilisateur et sa cible, le dessin servant d’ancrage au sortilège.
Ce scénario très ouvert quant à sa résolution, puisqu’il se bornait à présenter une situation, laissant aux joueurs un large champ d’action pour organiser leur réponse, s’avéra très simple et plaisant à mettre en scène. L’organisation d’un important combat fut également pour moi un bon exercice, quoique mettant en lumière mon épouvantable incompétence à gérer une confrontation à grande échelle et soulignant l’importante marge de progression que j’avais dans ce domaine.

Pour les curieux, voici le scénario tel que je l’ai présenté au 49ème concours de la Cour d’Obéron : SeasonOfTheWyrm.

RuneQuest, HeroQuest et Glorantha sont des marques déposées de Moon Design Publications et Chaosium, et de Studio Deadcrows pour la version française.

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