Glorantha : la Campagne des Taureaux Bleus, ou l’art de commencer petit – 3

Lorsqu’un jeu de rôles propose un univers riche et fouillé, au-delà d’un simple décor, une objection récurrente, c’est qu’y jouer demande beaucoup (trop) d’investissement. C’est particulièrement le cas pour Runequest avec le monde de Glorantha, né il y a plus de 40 ans de l’imagination de son auteur, Greg Stafford, et développé continuellement depuis. De là à se dire que pour se lancer, il faut avoir au moins un doctorat en gloranthologie, il n’y a qu’un pas. Au fil de cette série, j’ai l’ambition de montrer comment une meneuse de jeu peut se lancer dans une campagne gloranthienne en débutant à une échelle très modeste et en étoffant l’univers à mesure que son aisance s’accroît.

Nourrir l’envie et consolider les bases

Cette première prise de contact fut clairement un succès : mes deux joueurs en redemandaient, et vite. Comme nous étions en vacances, j’avais certes du temps pour trouver une suite à cette première aventure, mais aussi deux joueurs bien impatients de se remettre dans la peau de leurs personnages. Je finis pas me décider pour une adaptation très libre d’un scénario paru dans le magazine Tatou (en 1988, ça ne nous rajeunit pas !), qui mettait en scène un couple d’espions lunars en fuite, essayant de couvrir leurs traces en semant la confusion derrière eux, et un contre-espion, un marchand issarien lancé sur leur piste. Comme lors du premier scénario, après quelques péripéties, les personnages allaient devoir décider de faire confiance à l’un ou l’autre des deux camps, et finalement se trouver confrontés à un choix moral décisif.

Ils choisirent en définitive d’accorder leur confiance au marchand, ce qui les plaçait devant la difficile décision de ce qu’il adviendrait des deux espions, qui avaient demandé et obtenu l’hospitalité du thane de village. La question fut longuement discutée entre les personnages et leur thane, pour en arriver à la conclusion que ces deux visiteurs présentaient un réel danger pour l’ensemble des orlanthis de la région. On en conclut aussi qu’en tentant de manipuler leurs hôtes et en mentant sans vergogne, tant sur leur identités, que sur leurs desseins, ils avaient enfreint les lois de l’hospitalité orlanthie. Ainsi, il allait falloir les supprimer. Ce fut le premier combat de nos héros. Abandonnant son complice à la mort, la femme parvint à s’enfuir sur le cheval préféré de Méric, jurant qu’elle se vengerait.

Premier affrontement donc, pour mes deux héros en herbe et l’occasion de (re)découvrir le système de gestion des combats et la grande létalité des confrontations armées sous le système de jeu Basic. Les circonstances de la conclusion de cette affaire ouvraient la voie à des développements très intéressants pour la suite des aventures des frères Sarnosson.

Les actes et leurs conséquences

La conclusion de la précédente aventure m’ouvrait une voie royale pour la suite. Toute action a des conséquences et l’élimination d’un agent de renseignement lunar ne saurait rester impunie. Après un bref déplacement dans la ville voisine, Alda Chur, lors du précédent épisode, nos héros allaient la découvrir en tant que siège du chef de la confédération de tribus et chef-lieu de l’occupation lunar. Ce fut, émotionnellement parlant, un moment très intense de jeu, particulièrement pour mon jeune joueur, qui en a ressenti toute la tension et les enjeux.

Dans les jours suivant la mystérieuse disparition de l’espion et la fuite de sa complice, un détachement des troupes d’occupation, mené par un centurion flanqué d’un civil patibulaire, se présente au village de Vivepierre. L’objet de leur visite est annoncé de manière tout à fait limpide : ils sont là pour arrêter les rebelles qui se cachent dans ce village. C’est du moins ce que déclare le centurion, le civil quant à lui exige du militaire qu’il fasse un exemple de ce village. Le centurion refuse nettement, au grand dam du commissaire politique, arguant que les champs ne se cultivent pas tout seuls et qu’une armée doit manger. Il insiste cependant pour que le village lui livre les rebelles. Comprenant que l’officier leur offre une porte de sortie pour sauver leurs familles, les héros choisissent de se livrer. Ils sont donc faits prisonniers et emmenés, avec leur nouveau frère d’armes, Manas et les autres guerriers orlanthis du village, qui reste sous la protection de Varog, l’humakti. C’est une mort lente et cruelle qui les attend à Alda Chur où ils seront crucifiés pour rébellion. Comme les soldats s’apprêtent à se mettre en marche, parmi tous les villageois choqués, une femme ramasse un caillou qu’elle lance dans leur direction : c’est la mère de Korlac et Gillos, accablée de voir emmener ses deux fils et son beau-frère par l’ennemi à qui elle doit déjà d’être veuve.

Avec ces deux scénarios, plusieurs personnages clés entraient en scène. J’introduisais ainsi le centurion Sérantès, un lunar pas si mauvais que ça, ainsi que la mère des frères Sarnosson, Yanir, dont l’importance s’accroîtrait dans le futur. La Route qui, en tant que lien avec le monde extérieur et source de bouleversements dans la vie des héros, commençait elle aussi à devenir un personnage à part entière dans la campagne en devenir.

RuneQuest, HeroQuest et Glorantha sont des marques déposées de Moon Design Publications et Chaosium, et de Studio Deadcrows pour la version française.

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